La mémoire du futur
Est-il
seulement possible d’avoir une mémoire du futur ? En dehors des fantaisies
d’un voyage dans le temps, une seule possibilité s’offre à nous, la même qui
rend possible le phénomène biblique, et seulement
biblique, de la prophétie : Dieu existe et communique avec nous par les
prophètes. L’apôtre Jean est, en ce sens, le dernier des prophètes.
L’Apocalypse est ainsi réellement une “mémoire du futur”, un dévoilement de ce
qui sera, une réinjection dans notre histoire d’un savoir qui appartient,
encore, à l’avenir.
Pourtant,
le voile se lève.
Est-ce
prétentieux de le dire ainsi ? Pas vraiment. ‘Le voile se lève’ est
d’abord et surtout une simple traduction du mot Apocalypse,
littéralement : dévoilement. Pourtant, ce livre qui déroute tant de gens
semble davantage voiler que dévoiler. Et il y a autant de visions de
l’Apocalypse que d’auteurs de livres, de films [1], ou d’articles. Malgré
tout cela, le texte nous est donné pour dévoiler. Donné. Pas recherché,
ou imaginé, mais donné. Jean a bien écrit le livre de l’Apocalypse, et
pourtant, il n’en est pas l’auteur. Il ne l’a pas tant écrit : il l’a transmis. Jean ne choisit pas d’écrire
dans un langage apocalyptique parce que c’est à la mode. Il reçoit. Il transcrit
plus qu’il n’écrit. Plus qu’aucun livre, l’Apocalypse se présente d’emblée
comme une révélation venue d’ailleurs : Ce livre contient la révélation
que Jésus-Christ a reçue. Dieu la lui a donnée pour qu’il montre à ses
serviteurs ce qui doit arriver bientôt. Le Christ a envoyé son ange à son
serviteur Jean pour lui faire connaître cela. (Apocalypse 1.1, BFC) Ce
livre est donné pour dévoiler, pour montrer. ‘Le voile se lève’ veut dire cela.
Mais
il y a un élément supplémentaire. Plus le temps avance et plus approche
l’accomplissement des prophéties concernant le retour de Christ, plus le voile
se lève. Nous voyons aujourd’hui plus clair qu’il y a 100 ans, ou 1900 ans.
Notre monde va dans le mur à très grande vitesse. Les problèmes deviennent
ingérables, et nous sommes de plus en plus prisonniers de notre progrès. Les
avancées technologiques ont été pour nous à la fois un bienfait et une cause de
destruction, même si on ne l’avait pas vu tout de suite. La nature humaine n’a
pas évolué avec la technologie, et les monstruosités de la guerre sont pires à
chaque nouvelle édition. La grande confrontation finale entre Christ et
l’Antichrist ne peut pas être loin. Le voile se lève. Non que tout soit devenu
limpide. Mais certains contours se dessinent sinon plus nettement, du moins de
manière nettement moins floue !
L’Apocalypse
est un livre déroutant. Tout d’abord parce qu’il y a à peu près autant
d’interprétations que de lecteurs, et que, malgré cela, le livre semble rester
hermétique. Autant le thème du livre, la fin des temps, fascine les gens de
tous les temps, autant le contenu semble se refuser à toute analyse temporelle.
Le résultat est que la plupart des chrétiens, et probablement des responsables
d’église, disent ne rien y comprendre au-delà de quelques remarques très générales.
On a peur d’enfermer le livre dans un schéma et de se trouver ridicule quand la
réalité aura rattrapé nos interprétations fallacieuses.
L’Apocalypse
déroute à cause de ses images nombreuses qui résistent à tout effort de
compréhension. Faut-il les prendre dans un sens littéral, ou dans un sens
symbolique ? Mais ni l’un, ni l’autre ne semblent pouvoir déverrouiller le
livre. C’est le comble : le livre qui est sensé dévoiler, révéler, a un
effet exactement opposé : il voile, il cache.
L’Apocalypse
déroute pour une autre raison. Ce livre annonce sans vergogne la fin du monde
actuel. Des milliards de gens mourront suite à des catastrophes terrifiantes,
la terre entière se mettra à suivre un charlatan qui se prendra pour le Christ,
et pour couronner le tout, le Christ reviendra en personne, annihilera les
armées du monde massées au Moyen-Orient et établira son règne de justice et de
paix sans demander l’avis de qui que ce soit. C’est intolérable ! Mettre le
message des Evangiles au goût du jour avec son accent sur l’amour n’est pas
bien difficile. La foi, une fois libérée de tout ancrage dans l’histoire, peut
servir à quelques leçons joliment spirituelles sans aucune exigence morale
au-delà de ce qui est généralement admis. Le spirituel a de l’avenir. Mais le
livre de l’Apocalypse rompt cette harmonie moderne. Il rappelle trop clairement
que l’univers est soumis au Dieu judéo-chrétien dans tout ce qu’il a de
rébarbatif : un Dieu moral, aux exigences absolues, et avec une tendance
appuyée à intervenir dans les affaires de notre planète. Ce message est non
seulement indigeste pour les temps dans lesquels nous vivons, mais il le sera
de plus en plus. Plus le temps des accomplissements s’approche de nous, plus ce
livre deviendra intolérable.
[1]
Il suffit de penser au film récent 2012…